Classicisme (art) , terme apparu au XIXe siècle en opposition d'abord, vers 1825, au romantisme puis, à partir de 1875, au baroque.
Aujourd'hui, un consensus s'est établi pour désigner sous ce nom un des courants artistiques du XVIIe siècle, contemporain du baroque ; il est utilisé plus spécifiquement pour qualifier la production artistique française, même si, parallèlement se sont développés des classicismes hollandais et anglais.
Certains historiens divisent le classicisme français en deux époques, la première, fortement marquée d'influences italiennes et concernant surtout l'architecture, s'étendrait de la fin du XVIe siècle à la mort de Louis XIII, en 1643. Salomon de Brosse, architecte d'Henri IV et de Marie de Médicis, réalisateur du palais du Luxembourg, en serait le meilleur représentant. La seconde période, celle du classicisme ludovicien, correspondrait au règne personnel de Louis XIV (1661-1715) et marquerait l'apogée d'un style associé à l'affirmation de la monarchie absolue et qui concerne aussi bien la littérature que les arts visuels — architecture religieuse, civile et militaire, sculpture, peinture, arts décoratifs, art des jardins.
Classicisme dérive du mot « classique », emprunté au latin classicus, « de première classe » ; par métaphore, le terme a été employé dès le IIe siècle pour désigner un auteur ou une œuvre d'excellence digne de devenir un modèle. Dès le haut Moyen âge, l'adjectif « classique » est associé à la mémoire de l'Antiquité, dont les œuvres sont admirées et étudiées ; de cette étude dérive l'autre acception du mot, par une erreur étymologique : auteurs et œuvres classiques deviennent ceux qui sont étudiés en classe et ont valeur d'exemplarité. Ce qui explique la dérive de sens, le classique peut devenir académisme, conformisme, conservatisme.
Le classicisme français se réfère aux œuvres gréco-romaines, aux conceptions esthétiques de Platon et d'Aristote, aux traités de Vitruve (que Charles Perrault traduit en 1673) ; il se situe dans la filiation des grands créateurs et théoriciens de la Renaissance italienne (Brunelleschi, Alberti, Bramante, Raphaël, Vasari, Sansovino, Palladio, Vignole, etc.). Il se nourrit des réflexions de ses contemporains — comme Félibien —, des débats entre les artistes (la Querelle du dessin et de la couleur, qui oppose poussinistes et rubéniens) qui, sous la férule de Le Brun et dans le cadre de l'Académie royale, tendent à fixer les règles, hiérarchiser les genres. Ce classicisme semble inséparable du mécénat monarchique qui, depuis François Ier, sous le contrôle des ministres (Richelieu, Colbert, etc.), donne le ton du « grand goût » et génère un art officiel qui doit défendre le prestige du roi et du royaume.
L'art classique vise à l'intemporel ; il aspire à un idéal de beauté qu'il pense atteindre par la rationalité. Il se veut triomphe de la raison sur le désordre des passions. Clarté, harmonie, règles, ordre, mesure sont les mots d'ordre du classicisme. Cette recherche de la sérénité, de l'équilibre, de la cohérence par la réflexion, le respect des lois, des genres, des proportions, peut devenir prudence précautionneuse stérilisante et convenue.
Les bâtiments classiques se doivent d'être en parfaite adéquation à leur fonction ; lignes droites à la majestueuse orthogonalité, recherche de symétrie et de rigueur géométrique, sobriété des surfaces et des plans les opposent aux constructions baroques soucieuses d'effet décoratif, tout en courbes et contre-courbes, pourvues de surcharges ornementales. La sculpture classique privilégie les attitudes simples et élégantes, non dénuées parfois d'une certaine solennité ; elle refuse le mouvement, la sensualité et l'emphase du baroque. La peinture choisit les sujets nobles la composition et le dessin (que l'on ne distingue pas alors du dessein) doivent primer sur la couleur, le concept sur la séduction des sens. Les jardins, par leurs perspectives savantes de tapis verts, de parterres fleuris symboliques, de haies et d'arbustes taillés au cordeau, de bassins géométriques et de jeux d'eau, doivent démontrer la soumission de la nature disciplinée par l'homme.
On notera toutefois que la France du XVIIe siècle ne s'est pas intégralement convertie à ce classicisme idéal et normatif : la réalité était plus complexe et l'opposition classique / baroque apparaît souvent artificielle. Avant le règne personnel de Louis XIV, sous l'influence de la reine Anne d'Autriche et de son Premier ministre Mazarin, d'origine italienne, le royaume était ouvert à la sensibilité baroque ; la plupart des artistes partaient se former en Italie, la Cour faisait venir des maîtres transalpins. En 1665, Colbert fait appel au Bernin pour moderniser le Louvre. Des églises (Saint-Paul-Saint-Louis, le Val de Grâce), le collège des Quatre Nations (devenu l'Institut de France) témoignent, ainsi que l'œuvre picturale des frères Le Nain ou celle de Georges de La Tour, tout comme les sculptures de Pierre Puget, d'une réelle inspiration baroque. Si l'on situe habituellement la rupture et le triomphe du classicisme en 1667, lorsque le projet du Bernin pour le Louvre est abandonné, on constatera que les créations éphémères des fêtes de la Cour, les pompes funéraires, certaines réalisations du décor versaillais perpétueront le goût baroque, sans même évoquer la production musicale, que le classicisme n'a pas investie.
Par ailleurs, il faut souligner que, si le classicisme est défini en général comme un art dépendant de la volonté absolutiste, les premiers maîtres reconnus du classicisme dans la sphère picturale sont atypiques : Nicolas Poussin et Claude Gelée, dit le Lorrain, ont fait carrière à Rome, quant à Philippe de Champaigne, s'il fut sous Louis XIII et la Régence un peintre proche du pouvoir, son rapprochement du jansénisme persécuté par Louis XIV l'éloigne, à la fin de sa vie, et du souverain et de l'Académie.
Par contre, conformément à la vision traditionnellement diffusée, les peintres Pierre Mignard, Charles Le Brun, Hyacinthe Rigaud, les sculpteurs François Girardon et Antoine Coysevox, les architectes François Mansart, Louis Le Vau, Libéral Bruant, Claude Perrault, André Le Nôtre, Jules Hardouin-Mansart se disputent les faveurs du mécénat royal et font figure d'artistes officiels. Ils sont les maîtres d'œuvre des réalisations prestigieuses du régime : colonnade du Louvre, bâtiments et église des Invalides, place des Victoires et place Louis-le-Grand (actuelle place Vendôme), arcs de triomphe des portes Saint-Denis et Saint-Martin, qui transforment le paysage urbain de Paris au moment même où le roi décide de transporter sa capitale à Versailles, œuvre phare et emblématique du classicisme, miroir et théâtre de la monarchie absolue, dont l'immense chantier occupera tout son règne.
Les constructions militaires de Vauban, telle la place forte de Neuf-Brisach, les nombreuses architectures civiles et religieuses réalisées dans les provinces attestent la richesse du patrimoine classique français du XVIIe siècle.
Au début du XVIIIe siècle, l'engouement pour l'esthétique rococo détache pour un temps la production artistique du classicisme ; mais le retour vertueux du goût pour l'antique, sous Louis XVI, suivi, sous la Révolution et l'Empire, de la volonté de produire un art très politisé, aboutiront au néo-classicisme qui se développera jusqu'aux alentours de 1830, couvrant l'Europe et les états-Unis de constructions solennelles et austères, parfois grandioses, souvent pompeuses, voire grandiloquentes.
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